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1 janvier 2006 7 01 /01 /janvier /2006 17:41

Le paludisme est endémique au Mali

 

Le paludisme est endémique au Mali, c'est-à-dire qu'il affecte toutes les régions et touche l'ensemble de la population. La saison humide, entre juin et décembre, se révèle particulièrement propice à la propagation du fléau pour lequel aucun vaccin n'existe. Pire, le parasite de la malaria présente une forte résistance aux médicaments à base de chloroquine communément prescrits. En mars, les autorités maliennes ont adopté un nouveau protocole national introduisant la prise en charge du paludisme avec une combinaison de médicaments à base d'artémisinine. Un grand pas qui tarde à trouver sa concrétisation sur le terrain. Depuis le 1er août, Médecins sans frontières Luxembourg développe un projet dans le cercle de Kangaba (sud-ouest de Bamako) afin de prouver l'efficacité du traitement et d'inciter les autorités à dégager des moyens afin de diminuer l'impact de ce problème de santé publique, première cause de morbidité du Mali.

 

Fiche d'identité

 

• Pays d'Afrique de l'Ouest, le Mali est enclavé entre l'Algérie, le Niger, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, la Guinée Conakry, le Sénégal et la Mauritanie. Il compte 13,5 millions d'habitants.

• La capitale Bamako (1,2 million d'âmes) est traversée par le fleuve Niger. Tombouctou, Gao et Djenné sont des sites classés au Patrimoine mondial de l'UNESCO.

• Régime présidentiel: Amadou Toumani Touré est chef de l'Etat depuis juin 2002.

• Le français est une langue officielle mais le bambara est plus communément parlé.

• 90 % de la population sont musulmans, 9 % pratiquent les rites traditionnels animistes (le fait d'attribuer aux choses une âme analogue à l'âme humaine) et le christianisme constitue le culte du dernier pour cent.

 

Repères

 

• Selon le classement 2003 de l'indicateur de développement humain (indice tenant compte de l'espérance de vie, du niveau d'éducation et du niveau de vie) publié en 2005 par le PNUD, le Mali apparaît à la 174e place sur 177 pays (le Luxembourg se classe quatrième).

• L'indicateur de pauvreté humaine (chiffre de 2000) montre que 72,3 % de la population vivent sous le seuil d'extrême pauvreté (revenu inférieur à un dollar par jour par habitant).

• Le produit intérieur brut annuel par habitant atteignait 371 dollars en 2003 (à titre de comparaison: 59.143 dollars pour le Luxembourg).

• 29 % de la population souffrent de malnutrition, 38 % des enfants d'un retard de croissance et plus de la moitié des Maliens n'ont pas accès à l'eau salubre.

• 73 % des hommes et 88 % des femmes (plus de 15 ans) sont analphabètes.

 

L'ONG Médecins sans frontières Luxembourg développe un projet de lutte contre le paludisme

 

Petite piqûre, grands effets

 

Textes et photos: Léonard Bovy

 

L'enfant n'a pas cillé: l'infirmière effectue, en douceur, un prélèvement de sang au bout du doigt L'infirmier dépose le produit réactif sur le paracheck®: dans quinze minutes, le patient saura s'il fait réellement une crise de malariaUn test de dépistage rapide – le paracheck® – et une médication à base d'artémisinine (CTA), une plante d'origine chinoise, «révolutionnent» la prise en charge du paludisme au Mali. Fiabilité du diagnostic, traitement plus court et, surtout, plus efficace sont autant d'arguments qui plaident en faveur d'une généralisation de ce protocole dans l'ensemble des centres de santé du pays. Malgré les résistances diverses, jouant les pionniers dans le cercle de Kangaba, région rurale, l'ONG Médecins sans frontières Luxembourg forme le personnel médical malien, assure l'approvisionnement en médicaments, mène des actions de sensibilisation auprès de la population et de lobbying auprès des autorités. Reportage.

«Aujourd'hui, j'ai eu quinze cas de paludisme, tous confirmés grâce au paracheck®, sur les 27 patients qui se sont présentés», affirme le chef infirmier Amagara Guindo, responsable du centre de santé communautaire de Naréna, l'un des sept du cercle (l'équivalent d'une préfecture) de Kangaba concernés par le projet de MSF Luxembourg. «C'est vraiment un changement pour moi», surenchérit Elisabeth, responsable du centre de Keniéba, «de plus, le médicament est efficace, les gens ne reviennent plus car ils sont guéris».

La lutte contre le paludisme connaît donc une (r)évolution dans cette région située à 90 kilomètres au sud-ouest de Bamako. Point de départ: une étude, financée par MSF et menée en 2003 et 2004, a prouvé la résistance du parasite , dans 90 % des cas, aux traitements à base de chloroquine, les plus prescrits. Adopté en mars 2005 par les autorités, un nouveau protocole national de lutte contre la malaria introduit une médication comportant de l'artémisinine – une substance extraite d'une plante chinoise, l'artemisia annua – associée dans le cas de MSF à l'amodiaquine. Une approche efficace pour réduire la morbidité et la mortalité liées au paludisme.

Toute avancée rencontrant des écueils, MSF a dû et doit encore enfoncer quelques portes afin d'implanter ce protocole. La formation du personnel des centres de santé maliens à tous les niveaux de la pyramide fut une première étape qui permit de vaincre les résistances liées aux habitudes. L'efficacité du test de dépistage rapide – le sang recueilli au bout du doigt est déposé sur une languette, le produit réactif fait le reste en quinze minutes – a mis en lumière un fait embarrassant: tout patient qui présente des symptômes proches de ceux de la malaria, comme la fièvre ou la diarrhée, peut n'avoir que la grippe ou une infection intestinale. Or, jusque-là, ce malade quittait les centres de santé avec de la chloroquine en main. Les médecins et infirmiers vont devoir maintenant poser le bon diagnostic et prescrire un traitement adapté plutôt que considérer que tout malade a la malaria. Un changement radical des pratiques médicales qui n'est pas sans conséquence financière. «Avant, le traitement à la chloroquine coûtait 85 francs CFA (13 cents!) au patient», se rappelle Amagara Guindo.

Or, le prix de revient de la médication à base d'artémisinine dépasse un dollar pour le traitement nécessaire et suffisant de trois jours. Un différentiel impossible à faire supporter par le patient et qui est pris en charge par MSF. La gratuité est cependant de mise pour les enfants de moins de cinq ans; de même, la femme enceinte reçoit un traitement préventif et une moustiquaire imprégnée. N'empêche, le gouvernement malien devra mettre la main à la poche lorsque le protocole sera généralisé sur le territoire.

Balayant ces réflexions, Amagara Guindo affiche son optimisme: «Par rapport à 2004, la fréquentation de mon centre est en augmentation considérable, les gens parlent entre eux, les malades n'attendent plus une semaine avant de se faire examiner et constatent l'effet bénéfique du nouveau traitement.» Reste à transformer ces impressions en statistiques fiables. MSF s'y attelle.

 

809.428 cas de malaria en 2003 au Mali

 

Une tendance à la banalisation

 

«Au Mali, les gens ont tendance à banaliser la malaria; il faut leur dire que c'est une maladie qui tue», répète inlassablement le médecin épidémiologiste de MSF, Kandia Ibrahim Diallo. Le parasite tue près de deux millions de personnes par an dans le monde, la majorité en Afrique. Il s'agit même de la première cause de mortalité pour les enfants de moins de cinq ans, avec un décès toutes les trente secondes, selon l'OMS. En 2003, toujours selon l'OMS, 809.428 cas de malaria ont été répertoriés au Mali – représentant 34 % des consultations médicales –, causant la mort de 1.309 patients. Des statistiques qui ne tiennent pas compte des décès survenus parmi la population vivant dans les villages retirés et n'ayant pas pour habitude de se rendre dans les centres de santé.

La piqûre du moustique infecté peut provoquer quatre formes de paludisme humain dont le plasmodium falciparum, sa manifestation la plus virulente. Elle justifie alors l'hospitalisation du patient qui peut sombrer dans le coma, répéter des crises convulsives ou souffrir d'anémie grave. Le malade doit d'abord être stabilisé (injection de quinine diluée dans un sérum glucosé notamment) avant de suivre un traitement à base de CTA pour combattre la malaria.

«On sait que le paludisme est à la fois une maladie de la pauvreté et une cause de pauvreté», indique le département «Roll back malaria» de l'OMS, constat justifiant que les instances internationales allouent d'importants crédits pour en limiter les effets. Une aide qui connaît néanmoins des limites: ainsi, le Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme a refusé, en octobre, la nouvelle enveloppe budgétaire sollicitée par les autorités maliennes.

Motif: le gouvernement ne démontre pas sa volonté de consacrer son énergie et de dégager des moyens suffisants pour mener ce combat de santé publique. Le Mali doit donc revoir sa copie et repasser en deuxième session.

 

Information, éducation et communication: un pan essentiel du programme

 

Mieux vaut prévenir que...

 

Textes et photos: Léonard Bovy

 

 Devant le centre de santé de Kangaba, une infirmière fait sécher les moustiquaires qu'elle vient d'imprégner avec un répulsifInformer et sensibiliser aux risques de la maladie une population majoritairement analphabète et profondément imprégnée de croyances ancestrales dominées par les pouvoirs du sorcier local demande le déploiement d'efforts considérables. Le responsable du volet «information, éducation, communication» du projet MSF, Louis, s'appuie sur 105 relais, des bénévoles choisis par les villageois et reconnus pour leur engagement communautaire.

«Mon objectif? Que les gens aient la culture de la moustiquaire imprégnée, qu'ils assainissent leur cadre de vie et qu'ils se rendent au centre de santé s'ils couvent des symptômes de la malaria.» Malien responsable du volet «information, éducation, communication» du projet MSF à Kangaba, Louis déploie d'incessants efforts pour sensibiliser et informer la population des dangers du paludisme. Mais il se heurte aux murs.

Premier obstacle: la sorcellerie. Selon les croyances ancestrales, le sorcier – via le hibou, son incarnation – a le pouvoir de transmettre les maladies. Dès lors, en cas d'accès de paludisme, par tradition, le malade va consulter le sorcier qui lui prescrit des remèdes à base de plantes. Autre frein à la propagation du message: la pauvreté et l'analphabétisme de la population. «Nous distribuons des moustiquaires imprégnées (essentielles pour la protection de l'enfant et de la femme enceinte, ndlr), mais les gens comprennent-ils la façon de la monter?», s'interroge Louis. Pire: «Comme c'est un beau paquet, une sorte de cadeau, les gens le conserve parfois sans l'ouvrir; en cas de besoin d'argent, ils peuvent le vendre.» Un autre cas de figure est fréquent: «L'homme s'installe sous la moustiquaire pour dormir et laisse femme et enfants en dehors, sans protection.» Un comble alors que cette population à risque est prioritairement visée dans les actions de prévention.

Pour divulguer tous azimuts leur discours, MSF et Louis s'appuient sur quinze personnes relais par aire de santé, soit 105 pour le seul cercle de Kangaba. Bénévoles – «Ils reçoivent un vélo pour leurs déplacements entre les villages», précise Louis –, ces relais ont été choisis par les villageois pour leur engagement au service de la communauté. Ils ont ainsi l'oreille de la population et répètent, au cours de causeries publiques, les mesures de prévention utiles pour éviter la maladie. «Chaque mois, nous déterminons un thème clé contenant un ou deux messages très clairs et imagés, pour être certains de nous faire comprendre», poursuit Louis.

Lorsqu'ils passent de village en village, les relais attirent l'attention du chef sur les endroits où ils ont repéré des eaux stagnantes à proximité des habitations et insistent sur l'assainissement environnemental. Ils peuvent encore aider les malades sous traitement en leur indiquant la bonne posologie et ils incitent les récalcitrants à se rendre au centre de santé. Un travail de proximité et de longue haleine.

 

Portrait du médecin épidémiologiste malien, cheville ouvrière du projet antipaludique de MSF Luxembourg

 

Papy fait de la résistance

 

Le docteur «Papy» Kandian Ibrahim Diallo (à droite) dans la salle de soins du centre de santé de Naréna, en compagnie du chef infirmier, Amagara GuindoTout le monde l'appelle Papy. Pourtant, Kandian Ibrahim Diallo n'a que 34 ans. Ce médecin épidémiologiste malien est la véritable cheville ouvrière du projet de prise en charge du paludisme au moyen d'un traitement à base d'artémisinine développé par MSF Luxembourg dans le cercle de Kangaba. Rencontre avec un médecin qui a «la conviction d'être utile là où je travaille». En Afrique.

Un «Papy» de 34 ans, cela surprend. Kandian Ibrahim Diallo prend plaisir à expliquer d'où sort ce surnom qui «me poursuit depuis l'école et jusqu'à maintenant, chez MSF». L'explication est limpide: «Je suis homonyme de mon grand-père paternel et mon père ne voulait pas m'appeler au quotidien comme son propre père.» Le pli est pris, partout le médecin épidémiologiste originaire de Bamako est connu sous ce sobre sobriquet.

Conscient de sa chance, il admet aisément que «je suis né dans une sphère assez privilégiée – son père fut, en fin de carrière, chef de cabinet du ministère de l'Education –, j'ai donc pu faire des études, ce qui n'est pas donné à tous les Maliens». Après six ans de faculté de médecine à Bamako, une thèse sur l'ophtalmologie à l'institut tropical d'Afrique et une spécialisation en épidémiologie faite au Bénin, Papy rejoint les cadres de MSF, d'abord comme «responsable du suivi épidémiologique du trachome», puis comme responsable sur le terrain de l'étude MSF / Epicentre tendant à prouver la résistance du parasite infectieux aux traitements à base de chloroquine utilisés pour soigner le paludisme. Un travail déterminant qui a permis de convaincre les autorités maliennes d'adopter le nouveau protocole de lutte contre le parasite répondant aux recommandations de l'OMS.

La suite s'enchaîne naturellement: alors que la responsabilité de mener à bien le projet de prise en charge de la malaria au moyen du nouveau protocole devait être confiée par MSF à un de ses expatriés européens, les compétences de Papy, son expérience, sa connaissance du pays et des pratiques de ses habitants font la différence. Depuis plusieurs mois, il sillonne donc la savane pré-guinéenne dans la région de Kangaba pour une mission de résistance au paludisme.

 Pourtant, au vu de son cursus, le médecin pourrait prétendre à une «haute» destinée dans les sphères du pouvoir malien ou ouvrir un cabinet privé largement profitable (chez MSF, en tant que membre du personnel local, il gagne trois à quatre fois moins qu'un expatrié). Il pourrait encore, comme beaucoup d'universitaires africains, frapper aux portes de l'Europe. Il balaie ces hypothèses d'un revers de la main: «L'Europe? Cela ne me tente pas, ni pour y vivre, ni pour y travailler; à la limite pour y étudier. Ma conviction est d'être utile là où je travaille, et on a plus besoin de moi en Afrique qu'en Europe. C'est un choix de vie; dans le privé, je pourrais vraiment gagner de l'argent mais ça m'a toujours plu d'œuvrer dans le milieu rural, d'être proche de la population.» La fibre humanitaire!

Une conviction qui ne l'empêche pas de se projeter dans l'avenir: «Dans quelques années, je ferai le point.» Une vie de médecin expatrié le tente «pour découvrir d'autres horizons». Car cet épidémiologiste «aime bouger, voyager» un appel du large qui l'a déjà mené «pour le plaisir» aux quatre coins de l'Afrique.

 

MSF Luxembourg

 

100 personnes au Mali

 

Pour un expatrié européen envoyé sur le terrain, MSF Luxembourg emploie dix locaux. Au total, outre la vingtaine d'employés occupés au siège MSF de Gasperich, 96 cadres (médecins, infirmiers, laborantins, logisticiens ou administrateurs financiers) de toutes nationalités, essentiellement européennes, chapeautent les projets soutenus par l'ONG au Benin, Burkina Faso, Malawi, Mali, Mozambique et Zimbabwe. Et près de mille personnes, engagées à l'échelle d'une mission locale, complètent l'organigramme, apportant outre leurs compétences propres, leur connaissance du pays et de ses particularités. Au Mali, MSF déploie neuf expatriés et 90 locaux. L'ensemble des ressources institutionnelles et privées permettent à l'ONG de dégager un budget global de près de quinze millions d'euros en 2005 dont 1,5 million attribué aux divers programmes développés au Mali. Le projet de mise en œuvre du nouveau protocole contre le paludisme absorbe 170.000 euros, le reste étant consacré à l'école des infirmiers de Gao, aux programmes de santé maternelle à Gao, Tombouctou et Kidal, au projet de santé nomade à Tombouctou ou encore aux activités de lutte contre la cécité (le trichiasis et la cataracte) dans la région de Mopti. D'une manière générale enfin, MSF poursuit au Mali une politique de formation du personnel de santé et de transfert progressif de ses projets vers les responsables locaux de la santé.

 

Hors piste

 

La ruée vers l'or

 

«Les hommes sont un peu paresseux dans cette région», risque Kandian Ibrahim Diallo, en jetant un coup d'œil désabusé sur les nombreux champs en friche jalonnant la piste de latérite menant à Kangaba. Pourtant, la terre est fertile et pourrait donner d'excellentes récoltes. Il connaît les petits travers de ses compatriotes. Explication: «Ils cultivent un minimum, juste de quoi avoir des réserves de nourriture pour leur famille, puis ils glandent et consacrent épisodiquement leur temps à la recherche d'or.» De fait, sur le bord de la piste, quelques Maliens rentrent chez eux, pelle sur l'épaule, seau et tamis dans les mains, après avoir creusé quelques trous sur leur journée, dans l'espoir de trouver la pépite du bonheur. «Ils cherchent la richesse immédiate», poursuit le médecin, «mais cela arrive très rarement.» Ces chercheurs d'or laissent alors à leur femme le soin d'entretenir la famille et de trouver quotidiennement le peu de francs CFA nécessaires à leur survie.

 

A ce prix-là

 

Un salaire qualifié de confortable avoisine les 500 euros par mois. Des revenus qui permettent de vivre «comme un pacha», d'avoir une maison (même dans la capitale Bamako), une voiture et d'engager à son service deux personnes à raison de huit heures par jour. Une cuisinière nounou pour les enfants se paie 10.000 francs CFA (15 euros) par mois et un gardien, jardinier, homme à tout faire 15.000 FCFA (environ 23 euros). A ce prix-là...

 

 

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1 janvier 2006 7 01 /01 /janvier /2006 17:29

Banlieue de Brazzaville: cette petite fille regarde  à contre courant (Photo:Léonard Bovy -juillet 2004)

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13 juin 2005 1 13 /06 /juin /2005 00:00

Regard sur le film  I heart Huckabees


Genre: comédie
Origine: Etats-Unis
Réalisateur: David O. Russel
Interprètes: Jason Schwartzman, Mark Wahlberg, Dustin Hoffman, Lily Tomlin, Jude Law, Naomi Watts, Isabelle Huppert
Durée: une heure quarante-six minutes
Complètement louf! Le film le plus «burlesquement» déjanté de l'année. Une comédie démente qui eut pu germer dans l'esprit bouillonnant d'un Woody Allen en pleine crise existentielle. Bavard et barge, I heart Huckabees l'est assurément: les dialogues fusent à la vitesse de l'éclair et, le charabia philosophico-psychiatrique étant parfois à la limite de l'entendement, il y a lieu de s'accrocher. Le réalisateur David O. Russel ne se complait cependant pas dans la légèreté totalement gratuite, même si, à force de vouloir faire flèche de tout bois, le scénario tombe parfois dans la confusion, voire la superficialité.
 En vrac donc, I heart Huckabees s'attaque aux charlatans de tous poils (champions du marketing ou experts autoproclamés), à la déshumanisation de l'entreprise, à l'importance de l'image – au détriment de l'âme – dans notre société, à la politique énergétique américaine qui dicte sa politique étrangère, à la problématique des réfugiés, victimes de cette même politique, sans oublier d'égratigner les mouvements écolos ou une certaine Amérique puritaine.
De l'inédit
Saine descente politiquement incorrecte dans un univers particulièrement tortueux, chute vertigineuse rehaussée par une ébouriffante mise en scène plus qu'inventive et truffée de fantaisies réjouissantes et totalement inédites au cinéma.
Le sens de sa vie lui échappe: Albert (Jason Schwartzman) demande à deux «détectives existentiels», Vivian et Bernard (Lily Tomlin et Dustin Hoffmann), d'enquêter sur lui. Outre des coïncidences bizarres qui jalonnent son existence, Albert se trouve confronté à un conflit, au sein de la «coalition des grands espaces» qu'il préside, avec Brad (Jude Law), ambitieux cadre de la non moins ambitieuse entreprise Huckabees. Brad engage les mêmes enquêteurs qui s'immiscent dans l'intimité du couple qu'il forme avec Dawn (Naomi Watts), alors qu'Albert rencontre son «autre», Tommy (Mark Wahlberg), un pompier allumé.
Bref, la vie n'est pas un long fleuve tranquille et le film tend à dresser le portrait d'individualités qui se cherchent dans une société complètement déboussolée (et inversement). Que dire des acteurs sinon que leur prestation est au diapason et que, sans tomber dans l'excessive caricature, ils donnent un souffle nuancé à la folie humaine.
Un film fou furieux donc même si sa conclusion tend, toute chose étant égale, vers une certaine relativité. Un cinéma à soutenir sans modération.
Ma cotation: ***(*) (Absurde mais lucide, excessif mais reflet d'une réalité existentielle, un film qui innove.)
Léonard Bovy
Ma grille de cotation:
0 Nul, à éviter
* Bien, sans plus
** Mérite d'être vu
*** A ne pas rater
**** Chef-d'œuvre

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13 juin 2005 1 13 /06 /juin /2005 00:00

Critique du film Darwin's nightmare


Genre: documentaire
Origine: France, Belgique, Autriche
Réalisateur: Hubert Sauper
Durée: une heure quarante-sept minutes


 Il était une fois un inconnu – un apprenti sorcier apparemment – qui déversa, dans les années cinquante, quelques perches du Nil (un carnassier vorace également appelé «capitaine») dans le lac Victoria, la deuxième plus grande étendue d'eau douce de la planète et véritable laboratoire naturel pour l'étude biologique. Effet domino: cinquante ans plus tard, la perche a proliféré, au détriment cependant de l'écosystème qui se trouve complètement modifié. En manque d'oxygène, envahi par les algues, le lac (sans parler des riverains) meurt à petit feu et ne devrait pas survivre au-delà de 2050. Darwin cauchemarde.
A qui profite le crime? Aux nantis – comprenez les Occidentaux – friands des tonnes de filets de perches exportées par une industrie florissante qui s'enrichit sur le dos des pêcheurs tanzaniens à qui elle abandonne... les arêtes. Le crime est double en fait: les transporteurs aériens qui emmènent le capitaine comestible n'arrivent pas les soutes vides. L'ombre du commerce des armes notamment se profile, alimentant la folie guerrière d'un continent déjà dévasté.
Un manque de rigueur
Darwin's nightmare est un documentaire dont la force n'a d'égale que la honte que tout individu qui se respecte ressent face aux laissés pour compte tanzaniens, aux prostituées, aux malades du SIDA ou aux enfants des rues, tous victimes de la gloutonnerie occidentale. Le réalisateur s'est engagé, humblement (loin donc de la «méthode» Michael Moore), dans une collecte de témoignages et d'images accablantes (souvent de mauvaise qualité) qui, en fin de compte, forment un tout assez cohérent. Même si, emporté par sa compassion et des conditions de tournage pour le moins rocambolesques, Hubert Sauper s'égare quelquefois en chemin et tarde à mettre le spectateur sur la voie de la compréhension globale de la problématique.
Ainsi, les explications sur le rôle vital que joue le lac dans la région sont fragmentaires et le film, c'est un regret, manque de la rigueur journalistique qui lui eut permis de dépasser le stade du label «un certain regard» pour revendiquer celui plus crédible encore d'enquête fouillée et argumentée. En effet, s'il s'évertue à filmer et à interroger les Tanzaniens qui «crèvent» (au sens littéral) au bord du lac, le réalisateur omet de signaler, par exemple, combien survivent «grâce» aux industries qui ont fleuri dans la région. L'objectivité lui imposait de ne pas s'intéresser qu'aux désastreux effets collatéraux.
Des critiques qui n'enlèvent rien à la valeur d'un documentaire qui recèle de moments parfois surréalistes. Ainsi, lorsque des représentants de l'Union européenne congratulent les autorités tanzaniennes pour la qualité de leurs infrastructures industrielles... du meilleur niveau «international». A dix mètres de là, hagards, les crève-la-faim zonent et des enfants sniffent la colle obtenue en faisant bouillir les déchets d'emballage des poissons. Un cauchemar.
Ma cotation: *** (Un exemple frappant – parmi d'autres – de l'incroyable agonie de la race humaine.)
Léonard Bovy
Ma grille de cotation:
0 Nul, à éviter
* Bien, sans plus
** Mérite d'être vu
*** A ne pas rater
**** Chef-d'œuvre

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13 juin 2005 1 13 /06 /juin /2005 00:00

Critique du film Anthony Zimmer

Genre: thriller
Origine: France
Réalisateur: Jérôme Salle
Interprètes: Yvan Attal, Sophie Marceau, Samy Frey, Gilles Lellouche, Daniel Olbrychski, Samir Guesmi
Durée: une heure trente minutes.


Souvent emphatique lorsqu'il s'agit d'encenser un film du cru, la presse hexagonale n'hésite pas à attribuer à Anthony Zimmer des qualités «hitchcockiennes». Même si ce premier long métrage du scénariste Jérôme Salle est très prometteur et pétri de caractère, il ne peut rivaliser avec la moins bonne des œuvres du «maître du thriller».
Bonne nouvelle cependant, le cinéma français dispose enfin d'un réalisateur capable de renouer subtilement avec le genre policier qui constitua sa marque de fabrique dans les années 1980. Et surtout, un réalisateur qui n'est pas inféodé à «l'école» de Luc Besson, plutôt réputée pour ne pas faire «dans la dentelle». Plus subtil et mesuré, Jérôme Salle développe son intrigue en la saupoudrant d'une touche de psychologie, d'un brin de mystère lié à la perte d'identité et il emballe le tout dans une élégante et chatoyante mise en scène.
Akerman (Sami Frey), flic futé, pourchasse, depuis des années, Anthony Zimmer, un criminel en col blanc, génie de la finance. Cependant, plus personne, pas même Akerman, ne sait à quoi le malfrat ressemble: il aurait eu recours à la chirurgie esthétique pour changer son apparence.
Pénible dénouement
Le policier dispose cependant d'une carte maîtresse en la personne de Chiara (Sophie Marceau) pour laquelle Zimmer a un faible. Alors qu'elle doit justement le retrouver, Chiara reçoit un pli de Zimmer lui enjoignant de choisir, au hasard, un inconnu et de faire croire qu'il s'agit de lui. Une manière de brouiller les pistes.
Dans le TGV qui l'emmène vers la Côte d'Azur, Chiara «allume» François (Yvan Attal), un paisible voyageur, qui ne peut que tomber sous le charme de la belle. Son euphorie sera cependant de courte durée, le piège de Zimmer fonctionne et François est coincé.
Anthony Zimmer constitue donc un honorable divertissement et il n'est point question de bouder son plaisir surtout lorsque, jouant les «vamps», Sophie Marceau bluffe son monde. La belle arrive à donner corps à son personnage et le couple qu'elle forme avec Yvan Attal dégage une séduisante complicité.
Une énorme gifle au réalisateur pour terminer: même emporté par l'intrigue, il est impossible de ne pas sursauter face aux quelques invraisemblances du scénario. Le dénouement est même franchement pénible et gâche, après coup, une partie du plaisir initialement ressenti. Dommage mais c'est toute la différence entre un film moyen et un grand film. Salut Alfred.
Ma cotation: ** (Un premier long métrage qui ne manque pas de caractère. Quelques incongruités cependant.)
Léonard Bovy


Ma grille de cotation:
0 Nul, à éviter
* Bien, sans plus
** Mérite d'être vu
*** A ne pas rater
**** Chef-d'œuvre

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Journaliste dans un quotidien luxembourgeois, j'effectue mes premiers pas de bloggeurs. Je mets en ligne quelques articles publiés, histoire de voir... Vos commentaires et remarques sont attendus.

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